Édito

Il y a plus de 25 ans, l’Hexagone Scène nationale, organisatrice de la biennale EXPERIMENTA, a entrepris la démarche pionnière de développer l’ensemble de son action artistique et culturelle en relation avec la recherche scientifique.

Hier comme aujourd’hui, faire ce pari c’est reconnaitre la singularité historique du territoire grenoblois, véritable berceau des sciences, des techniques et de l’enseignement supérieur, dont la dynamique n’a de cesse de croître depuis des décennies.
C’est observer que notre société est activement conduite par le savoir et les sciences, par leur « progrès », et que la culture que nous partageons doit en permanence considérer qu’elle a tout à voir avec cette tendance.

L’Hexagone, désormais fort d’un maillage national et international de structures des arts, de la culture et des savoirs toutes aussi engagées dans cette hybridation, persiste dans sa compétence Arts-Sciences pour l’étayer toujours.
À travers sa programmation artistique saisonnière, le soutien à la production artistique, l’éducation artistique et culturelle, et la recherche en art, l’Hexagone mobilise désormais ce savoir-faire sur l’enjeu de la rupture dite « Nature | Société ».

Pour faire rayonner au maximum les fruits de ce qu’Arts et Sciences produisent de meilleur à leur interface, l’Hexagone a également développé un événement alors unique et devenu l’un des plus importants en Europe, EXPERIMENTA, la Biennale.
Sa 12e édition aura lieu en février 2025 et mettra à l’honneur la richesse des convergences entre Arts, Sciences, et les grands enjeux écologiques et sociaux de notre époque et de nos territoires.

Toujours plus accessibles, EXPERIMENTA 2025 rassemble des expositions et installations en accès libre, des performances et spectacles, des temps de rencontres publics et professionnels, à travers deux parcours thématiques : États des Eaux et Empreintes, Vice Versa.


États des Eaux.

L’année 2025 marquera le centenaire de l’exposition internationale de la Houille Blanche, qui célébrait alors l’avènement d’une énergie démarquée de la « houille noire », du charbon, celle de l’hydroélectricité. Emblématique du territoire grenoblois, de son histoire, du développement de sa qualité « technologique » et donc de son économie, cette houille n’est autre que l’eau.

Son cycle naturel et les massifs environnants rendent cette ressource aussi abondante que pure. Et si l’on considère également l’activité sportive et touristique qu’elle offre à l’état de neige, jaillit à quel point cet élément compte, à quel point sa « santé », sa qualité, sa quantité, la persistance de son débit sont des paramètres vitaux de nos territoires.

Or, l’ensemble de ces paramètres est aujourd’hui mis à risque, et la trajectoire de leur évolution n’a rien d’heureux. Les sciences de l’environnement sont actives et alertes, et les artistes de tous bords se mobilisent en grand nombre.

À la croisée des arts visuels et du spectacle vivant, EXPERIMENTA propose 10 œuvres internationales et 5 spectacles pour nourrir cette thématique. En appui sur tout le symbole que représente l’année 1925, sa programmation cherche à restituer l’état actuel de cette ressource et mettre au travail les imaginaires d’une résilience indispensable pour les décennies à venir.

Pour ce faire, EXPERIMENTA mise sur la beauté sans limites de l’eau à travers ses divers états, solide, liquide, gazeux. Sur notre attachement à elle dans sa qualité sensible, esthétique, poétique. On y retrouve l’eau qui fait la couleur de notre ciel et de nos nuages, la matrice de perfection d’une bulle de savon, le chant des rivières, des fleuves et des glaciers. Celle qui dessine nos paysages, les transformes et nous avec, qui fait le bain sensoriel de nos âmes et de nos corps.

Empreintes, Vice Versa.

Marquer le monde et être marqué par lui,
à l’échelle d’une vie
ou à travers les générations,
les siècles.

Avec 2 corpus d’œuvres (Strates et Les Temps Rassemblés), une œuvre modulaire (3ème Pôle) et 8 spectacles, EXPERIMENTA propose un parcours qui révèle ces empreintes que nous laissons et qui nous marquent : celles de l’individu ou du collectif sur l’environnement, celles de l’environnement sur l’individu ou le collectif.

Pour EXPERIMENTA 2025, certains artistes se saisissent de la science paléoarchéologie et dépoussièrent l’empreinte de nos ancêtres, qu’elle soit génétique (Neandertal de la Compagnie Lieux Dits), spirituelle (Mythèmes de Ballets confidentiels) ou, plus figurative, dans le champ des Arts pariétaux (Aux commencements de la Compagnie 14 :20 ou Dans la Grotte de la Cie La Volière).

D’autres, plus proche dans le temps et dans l’espace, œuvrent avec les scientifiques aux prémices d’une archéologie de l’anthropocène. Pour EXPERIMENTA, le collectif Strates scrute les parois affleurantes des massifs qui nous entourent – roses il y a quelques siècles, noircies aujourd’hui – ils et elles rendent compte de notre empreinte à tous et toutes, celle de nos modes de vie incrustés dans la roche.

Et puis il y a les artistes de la relation comme Jan Fedinger avec land[e]scapes 4 ou encore Arnaud Chevalier. À travers son triptyque Les Temps rassemblés : Mille, Mécanique panorama et Chroniques des géo-fictions, ce dernier explore la trace qu’imprime un paysage, ou la qualité sensible d’un quartier, sur la vie d’un habitant. Empreintes d’autant plus profondes que le temps vécu là s’étend. Arnaud Chevalier qui, vice-versa, active la fiction et l’utopie collective pour ré-écrire le monde, nos espaces urbains et refaçonner nos manières d’habiter.

Jérôme Villeneuve,
directeur, Hexagone Scène nationale

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